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Lecture du poème "La vieille folle" par Messaline Chessé

4 août 2020

Lors de la cérémonie de commémoration de la Shoah à la Mairie du XVIIIème arrondissement le 27 janvier 2020, Messaline CHESSÉ, élève de 2nde GT a lu le poème écrit par son papa.

Un moment émouvant mais nécessaire pour faire vivre la Mémoire.

Un grand merci à Maurince Pytkiewicz et Micheline Wloszczkowski de nous avoir invités, ainsi qu’à l’AMEJD XVIII (Association pour la Mémoire des Enfants Juifs Déportés), la Mairie du XVIIIème et son maire M. Eric Lejoindre de nous avoir reçus.

La vieille folle
Assise à une table de Première Moisson
Elle touillait un grand café-crème sans-façon
En regardant les premiers flocons recouvrir Côte-des-Neiges 
Et la valse des passants, comme une ronde, un sortilège.
La vieille folle tremblotait, seule, affligée
Comme une esclave en faute au bout de sa journée,
Cachant sous ses deux mains son front pâle et flétri
Marchant sur son coeur dans un espace-temps meurtri.
« Ah ! L’enfer est ici ! L’autre ne me fait pas peur ;
Pourtant le purgatoire inquiète mon coeur.
Et quand le flot des jours me défait fleur à fleur,
Je vois la Géhenne au fond de ma pâleur. »
Échouée depuis un demi siècle en Amérique du Nord,
Elle est venue ici pour se marier à un contre-ténor.
De toute façon, toute sa lignée s’est éteinte à Birkenau
Entassée depuis Paris dans des wagons à bestiaux.
Sentir filtrer partout les sanglots et les pleurs
Sans pouvoir les tarir, sans savoir arrêter la douleur
Se heurter dans la nuit des cages cellulaires
Qu’aucune aube ne teint de son souffle clair.
« Encore de ces souvenirs qui m’emplissent de larmes,
Si vivants que, toujours, je vivrai dans leurs charmes ;
Plus de famille, au soir, assise sur le seuil
Pour bénir mon sommeil en chantant sous les tilleuls. »
« N’oser mourir quand on n’ose même plus vivre,
Ni chercher dans la mort un ami qui délivre !
Au bout du champ funèbre où j’ai mis tant de fleurs,
Nous ébattre aux parfums qui sont nés de mes pleurs. »
Elle regarda autour d’elle un monde qu’elle ne comprenait pas
Des jeunes avec leur téléphone révisant le baccalauréat
Le tatouage sur son bras qui s’incline à l’âme prosternée
Punie après la mort du malheur d’être née !
Elle pense à sa mère, joyeuse, intrépide et bénie
Descendant réclamer sa fille, dire que ça suffit
La relevant au vent de la jeune espérance
Son dernier fruit tombé, mordu par la souffrance. 

Patrick CHESSÉ
Montréal, janvier 2020.

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